Bien que la pandémie de Covid-19 dicte sa loi au Cameroun, les violences se poursuivent dans les régions séparatistes du pays. Malgré les appels à cessez-le-feu, séparatistes et armée régulière continuent les combats. Prises de part et d’autre, les populations, déjà affaiblies par la guerre, risquent le pire.
La pandémie de coronavirus qui sévit dans le monde n’a pas eu raison des violences dans les zones anglophones du Cameroun. Dernier fait en date: le maire de la ville de Mamfe dans la région séparatiste du Sud-Ouest, a été assassiné dimanche 10 mai par des hommes armés.
Selon Bernard Okalia Bilai, le gouverneur local, Prisley Ojong, 35 ans, a été tué «par un groupe de terroristes sécessionnistes lors d’une embuscade orchestrée par ces criminels», a-t-il souligné dans un communiqué. Au cours de cette attaque, deux éléments des forces de l’ordre ont été grièvement blessés.
Alors que l’armée régulière est très souvent accusée par des ONG locales ou internationales de commettre des exactions sur le terrain des opérations, le gouverneur de la région du Sud-Ouest invite les ONG à sortir de «leur mutisme à sens unique pour dénoncer ce crime ignoble». Réagissant à cette tragédie, Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du Redhac (Réseau des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique centrale),
L’impossible cessez-le-feu
Si le gouvernement de Yaoundé a souvent multiplié les annonces qui laissaient croire que la situation était de plus en plus sous contrôle, l’assassinat de cet élu municipal vient, selon Ayah Ayah Abiné, originaire du Sud-Ouest anglophone et président de la Fondation Ayah qui assiste les sinistrés de la crise séparatiste, nous rappeler que «la guerre persiste, malheureusement, et les civils non armés en paient le prix».
En dépit de l'appel à un cessez-le-feu lancé le 23 mars par l'ONU dans les zones en guerre pour mieux combattre la pandémie, la situation est toujours tendue au Cameroun anglophone. Yaoundé et les groupes armés ayant ignoré ce rappel à l’ordre, Ayah Ayah Abine est pessimiste.
De la crise humanitaire à la crise sanitaire
Depuis la confirmation du premier cas de Covid-19 début mars, le virus s'est rapidement propagé et toutes les régions du Cameroun sont aujourd'hui touchées par la pandémie. Le pays qui, au dernier comptage, a largement dépassé les 2.500 cas testés positifs, loge à l’enseigne des États les plus affectés en Afrique subsaharienne.
Avec 20 cas confirmés pour 4 décès, l’épidémie avance à grands pas dans la région du Nord-Ouest anglophone. Situation similaire à peu de chose près dans la région du Sud-Ouest, qui compte 31 cas et 3 décès.
Cette crise sanitaire est un défi supplémentaire pour le pays, qui fait déjà face à une violente crise humanitaire dans ses régions en proie à la guerre séparatiste. À la manière de nombreux autres observateurs, Ayah Ayah Abiné, engagé dans l’humanitaire dans ces régions, craint le pire «dans la mesure où la gestion de cette pandémie par le gouvernement laisse encore à désirer».
Depuis plus de trois ans, les violences dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun ont provoqué une flambée des besoins humanitaires et réduit sérieusement l'accès aux soins dans ces régions, devenues particulièrement vulnérables.
Dans une déclaration faite en avril dernier, Médecin sans frontières Cameroun (MSF) alertait déjà sur la nécessité de rester vigilant sur la crise humanitaire en cours dans plusieurs parties du pays en plus de la crise sanitaire.
En 2017, les séparatistes des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont pris les armes contre le gouvernement de Yaoundé pour réclamer la création d’un État indépendant. Depuis, les combats ont fait plus de 3.000 morts, selon des ONG, et au moins 70.000 déplacés.
Alors que toutes les solutions explorées jusqu’ici pour mettre un terme à ce conflit meurtrier ont échoué, Yaoundé annonce un plan de reconstruction des localités concernées. Une initiative jugée prématurée pour beaucoup d’observateurs au vu des tensions qui persistent sur le théâtre des opérations. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement devra également composer avec la pandémie en cours dans le pays.
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